LE GROUPEMENT N° 19 "Dixmude"
3 participants
Les Chantiers de La Jeunesse Française de 1940 à 1944 :: HISTORIQUE :: GROUPEMENTS de la METROPOLE :: GR19
Page 1 sur 1
LE GROUPEMENT N° 19 "Dixmude"
LE GROUPEMENT N° 19 "Dixmude"
basé à Meyrueis (Lozère) puis à Aguessac (Aveyron)à partir du 15 novembre 1942
Créé en Septembre 1940 , dissous en mai-juin 1944 à Meyrueis
Devise : "Ca suit".
Les chantiers dans les forêts de l’Aigoual
à Meyrueis, à Villemagne, à Saint Sauveur des Pourcils et
Camprieu …
Le général de la Porte du Theil, chef des Chantiers de jeunesse, décida d’affecter deux groupements pour l’exploitation des forêts de l’Aigoual
Le groupement 18 est le premier à s’installer, dans des conditions précaires, dès la fin Août 1940 sur les forêts domaniales du flanc sud de l’Aigoual, Montals, Lingas, Ginestous.
« On s’organise comme on peut. Le plus souvent sous des tentes que l’on recouvre de branchages et parfois dans des huttes. Quand ils n’ont pas la chance de tomber sur de vieilles bicoques, les chefs couchent sous des marabouts.
Rapidement les choses vont mal tourner. Dès le 10 Septembre la pluie se met à tomber, une de ces pluies froide et tenace dont l’Aigoual a le secret. Pas de paille, pas de feu, pas de vêtements de rechange, le ravitaillement n’arrive pas… Pour couronner le tout une épidémie de rougeole se déclenche »
Décision est prise de ramener les camps dans le bas pays. Dans la vallée de Valleraugue et autour du Vigan : Mars, Salagosse, Ardaillès, Mandagout, Molières, Cavaillac, Avèze…L’été on remonte dans l’Aigoual abattre du bois… » «écrit Pierre Mazier ( L’Aigoual en colère)
Le groupement 19 dont le Quartier Général était à Meyrueis, rassemblait 1600 jeunes environ.
Tous les jeunes se trouvaient confrontés à la propagande de Vichy : retour à la terre, recherche des vraies valeurs de la France profonde, vénération du Maréchal. Trois aumôniers catholiques, Navarre, Beys et Durand et un protestant Georges Roth furent affectés au groupement 19.
Les groupes qui réunissaient chacun 130 ou 140 jeunes venaient de s’installer dans les vallées entre Jonte et Trévezel moins exposées que les hautes terres de l’Aigoual où avait été dirigé le groupement 18. Certains passèrent quand même l’hiver - cet hiver 1940-1941 fut particulièrement rude - sous la tente, en particulier à Valbelle, presque à la source de la Brèze, au dessus des Oubrets, à 1100m, et à l’hubac, donc sans soleil. On peut espérer que les moins aguerris furent hébergés, de temps à autre, à la Maison Forestière de Valbelle. C’était le groupement des disciplinaires où étaient rassemblés les fortes têtes.
Mais il y eut des groupes mieux lotis. Je raconterai brièvement l’histoire de celui de Rousses dans la vallée du Béthuzon.
De Rousses à la Pépinière :
« Il avait été affecté à ce hameau, déjà en mauvais état : il y avait bien là, quelques maisons inoccupées, mais bien à l’étroit, au bord du Béthuzon, pour y installer tout le groupe. Or le chef de groupe avait découvert, un peu plus haut à 2km un endroit beaucoup plus favorable. L’idée était judicieuse, elle fut acceptée par le commandement. Mais il fallait envisager la construction d’un pont. Quelques fortes têtes faisaient partie de ce groupe ; leur chef leur dit : « j’ai besoin de durs, de gens qui n’aient peur de rien. Il s’agit de faire un pont et d’aménager une route pour pouvoir faire passer des charrettes ou même des camionnettes. »
Ils réagirent avec enthousiasme. Et on se mit au travail : remise en état du chemin muletier de la rive gauche du Béthuzon à partir du petit pont de Rousse puis construction du pont juste avant le camp, 2km plus haut, où fut fixée une pancarte, le jour de l’inauguration « Le pont des durs ». Ainsi fut installé le groupe de « La Pépinière ».
Non contents de ce travail, ces jeunes construisirent pour leurs chefs une salle à manger à 2m du sol dans un énorme fayard (hêtre). On y grimpait par une échelle ! Et, sur la lancée, sensibilisés par leur chef de groupe, ils voulurent installer eux-mêmes leur électricité, dans les baraques qu’ils avaient construites, en utilisant l’eau du Béthuzon. Ils avaient découverts que, au Villaret me semble-t-il, les gens deux voisins en l’occurrence avaient fabriqué leur électricité. Ils céderaient volontiers un peu de matériel. Un des chefs du Chantier se débrouilla pour trouver une petite turbine : une roue Pelton de 50 ou 60 cm de diamètre, bien suffisante. La turbine tournait à toute allure en sifflant, et les baraques étaient illuminées ! Quelle merveille ! »
J’ai pu voir encore le bassin de charge et les restes du canal d’amenée d’eau en Octobre 2006)
La vie du chantier : le Groupement 19
Le ravitaillement était un problème important et un souci de tous les jours en raison des restrictions et de la dispersion des groupes. Les transports étaient assurés par des camions à gazogène car l’essence, très rare, était destinée aux médecins, y compris les médecins du pays, aux aumôniers et aux chefs de groupement ; « Heureusement, se rappelle Pierre Mazier, nous disposions de quelques bicyclettes et chevaux mais surtout, nous pouvions compter sur nos 120 mulets. »
Les journées commençaient avec le rassemblement, le lever aux couleurs et l’éducation physique : ensuite alternaient le travail forestier, à la hache et à la scie (les tronçonneuses ne verront le jour que 20 ans plus tard) pour faire des bûches servant à confectionner des meules, qui, carbonisées, donneront du charbon de bois surtout pour les camions ou voitures à gazogène.
Les jeunes entretenaient et aménageaient les baraques, les foyers, les cuisines, ils chantaient beaucoup, semble-t-il. Evidemment le sport tenait une grande place et les soirées étaient parfois égayées par des feux de camp.
C’était une vie presque idyllique d’après les souvenirs de quelques uns.
L’ordre moral
De l’amalgame entre la religion et le Vichysme naît une morale de confection où l’on retrouve les poncifs de la Révolution National : culte du Maréchal, expiation masochiste des fautes de la République, retour à la vivifiante nature, résurrection du corporatisme. Furent nommés 4 ou5 aumôniers protestants dans toute la région Et 20 à 30 aumôniers catholiques. Ces derniers sont partout. Ils jouent, à l’occasion le rôle d »’éminence grise auprès des commissaires. Certains, bien sûr sont de bon niveau : on dit la messe souvent et partout, en plein air comme dans les foyers. Jean Delage* donne parfaitement le ton de ces « messes chantier » : « Le drapeau salue, le clairon sonne, les garçons s’agenouillent : c’est l’élévation. » « Certes nul n’est tenu de suivre ces manifestations religieuses : mais il est difficile de les éviter. Mais cette atmosphère ne reste pas confinée dans les églises catholiques édifiées dans la majorité des groupements. Une odeur de sacristie insaisissable s’insinue dans les camps, dans les bureaux, les habitudes. Au dire de nombreux témoins elle est particulièrement pesante…** »
*Pierre Mazier : « L’espelido :Histoire des chantiers de jeunesse en Languedoc » Lacour 1989
Jean Delage : « Espoir de la France : Les chantiers de Jeunesse » Quillet 1942
Certains résistèrent à leur façon en organisant un bal du dimanche soir, dans l’ancien four banal, au Planet (place de Meyrueis un peu à l’écart, sous le Rocher du Château) Autour d’un vieux phono se retrouvaient garçons et filles du village et de la vallée du Béthuzon. (Tous les bals avaient été interdits après l’armistice.)
Mais quelques uns ne partagent pas les vues de l’aumônier général, ainsi :
« Georges Vidal, assistant élève à l’Ecole Régionale des Cadres, naïvement le lui dit … Presque aussitôt son stage est interrompu et il est renvoyé sans ménagement dans son camp perdu au dessus de Lodève : motif « ne peut faire un chef de groupe… » (P. Mazier Op.cité).
Pour le groupement 19 avaient été nommés trois aumôniers catholiques : Navarre, Beyx et Durand et une aumônier protestant Georges Roth. Ce dernier, alsacien, officier d’artillerie en 1939-1940. Il fut dénoncé par ses supérieurs pour avoir contesté le devoir d’obéissance au gouvernement de Vichy. Voici quelques termes de cette dénonciation datée du 18 janvier 1943, adressée au Pasteur Marc Boegner, Président de la Fédération Protestante de France, un double parvint probablement au Général De la Porte du Theil. (la voie hiérarchique !) :
…..5° En 1914-1918, Monsieur Roth ne s’est pas battu seulement pour la France mais surtout ^pour l’expression des idées libérales qui alors, marquaient la politique de son gouvernement. Fait rapporté par le chef de groupe Daran
(il faut noter que ce chef de groupe aime recevoir à son groupe Monsieur Roth, parce qu’il apprécie sa conversation, mais il en reconnaît le danger.)
6° Le chef de groupe Carrignon, chef du groupe 2 ne quitte pas un instant Monsieur Roth quand celui ci vient dans son groupe. Il se rend compte en effet, qu’il est dangereux de laisser le Pasteur seul avec ses chefs d’atelier.
Monsieur Roth dit en outre, à qui veut l’entendre que le gouvernement n’étant pas légitime, le serment que nous avons fait est sans valeur.
… dans ses dernières directives BPO 117 page 5, le Général Commissaire Général s’exprime ainsi : « …un chef des chantiers n’est pas un citoyen libre comme tout autre. C’est un fonctionnaire responsable, de l’éducation des jeunes. Il n’a pas le droit, en conscience de professer une opinion contraire aux directives du gouvernement. »
J’estime donc que Monsieur le Pasteur Roth est un homme dangereux et je souhaite le voir partir.
Je vous prie…
Ainsi Georges ROTH ne tint pas le langage convenu.
Il avait retrouvé, parmi ces 1600 jeunes, quelques alsaciens - lorrains qui avaient été démobilisés, ou se trouvaient à « l’intérieur » au moment de l’armistice et qui ne rentrèrent pas en Alsace Moselle redevenue Allemandes.
Plusieurs jeunes dont ces Alsaciens demandèrent à Georges Roth, leur aumônier, d’aménager un local dont ils pourraient disposer. Un décor d’Alsace fut reconstitué avec alsacienne et alsacien en costume traditionnel, les grandes dates de l’histoire de l’Alsace, mais aussi un passage biblique explicite :
« En ce jour là, dit l’Eternel des Armées je briserai ton joug sur ton cou
Georges Roth n’hésitait pas à tenir en public et mêle dans des repas officiels des propos jugés subversifs et la dénonciation que vous venez de lire, fut probablement envoyée également au Général de la Porte du Theil. … Il semble que l’affaire remonta jusqu’à Pétain qui l’aurait stoppée. .. Peut-être.
Toujours est-il que la police allemande débarqua un beau matin à Meyrueis, pour interroger et probablement arrêter G. Roth. Dans un premier interrogatoire l’officier apprit que Roth avait fait ses études de théologie protestante en partie à Montpellier puis à Strasbourg, comme lui-même, il lui aurait désigné la fenêtre en lui disant de s’enfuir.
Georges Roth ne se le fit pas dire deux fois ; il gagna le maquis. Mais pas celui de Bir Hakeim, qui sera anéanti à la Parade sur le Causse Méjean : il avait déjà eu des contacts avec ses chefs mais avait renoncé à les rejoindre, vu leur amateurisme et leur manque de rigueur et de prudence. Il leur en avait fait la remarque en tant qu’officier mais n’avait pas été écouté. Il rejoignit un des maquis de l’Aigoual, qui disposait d’une meilleure infrastructure avec des groupes disciplinés et entraînés, probablement vers l’Espérou.
L’éclatement et la fin des Chantiers
Début 1943 L’horizon s’assombrit pour les Chantiers de Jeunesse. Après avoir envahi la zone Sud en Novembre 1942, Les Allemands exigent le départ, vers l’intérieur, des chantiers qui sont implantés dans les départements côtiers. Le Gard en fait partie et le groupement 18 émigre à Maurs simple chef-lieu de canton de la pointe sud-ouest du Cantal.
Pour la vie des chantiers l’horizon s’assombrit. Avec le débarquement allié en Afrique du Nord en Novembre 1942 et la capitulation de l’armée allemande à Stalingrad le 2 février 1943, les autorités d’occupation demandent puis exigent le départ des groupements pour le Service du Travail Obligatoire
Beaucoup sont obligés de partir, parfois entraînés par leurs chefs, drapeau et musique en tête pour travailler dans les usines d’armement allemandes : mais ce ne fut pas le cas à Meyrueis.
Marceline Causse de Pradines, rapporte cette anecdote dans ses souvenirs 1942-1944 :
«Frank Robert, pasteur à Meyrueis, voit à la poste 150 jeunes téléphonant à leurs familles qu’ils partent au STO en Allemagne et les encourage à ne pas y aller. Il apprend plus tard que ces 150 sont arrivés seulement 13 à Grenoble. Le train traversant la plaine languedocienne, s’arrêtait : s’évadait qui voulait… »
Alors que le groupement 18 avait été dissous en Décembre 1943 le groupement 19 continuera à vivoter. Il semble avoir été oublié. Il sera dissous officiellement le 15 Juin 1944, bien longtemps après les autres groupements. Le combat et le massacre de la Parade avaient eu lieu le 30 Mai et le débarquement le 6 Juin …
Postface
Après avoir rédigé ce très bref résumé de la vie des Jeunes appelés du groupement 19 à Meyrueis, quelques documents m’ont été remis qui soulignent et complètent les lignes qui précèdent : Ainsi ce commentaire à la suite d’un rassemblement d’anciens en Août 1991 :
« 15 Août 1941 : il y a juste 50 ans nous descendions de la Pépinière à marche forcée. Grand messe dans la prairie de Roquedols, face au château. Défilé dans toutes les rues de Meyrueis avec tout le groupement 19. Rassemblement sur la Place d’Armes. Remise des fanions aux différents groupes. Repas au pré de l’Ayrette et retour au camp.
15 Août 1991 : Cinquante ans après, retour aux sources de notre jeunesse. Grand messe à l’Eglise de Meyrueis et le soir, procession aux flambeaux de Notre Dame du Rocher à l’Eglise de Meyrueis. » Jacques Catoir 59130 Lambersart
Paul Loupiac, Le Moulin d’Ayres
basé à Meyrueis (Lozère) puis à Aguessac (Aveyron)à partir du 15 novembre 1942
Créé en Septembre 1940 , dissous en mai-juin 1944 à Meyrueis
Devise : "Ca suit".
Les chantiers dans les forêts de l’Aigoual
à Meyrueis, à Villemagne, à Saint Sauveur des Pourcils et
Camprieu …
Le général de la Porte du Theil, chef des Chantiers de jeunesse, décida d’affecter deux groupements pour l’exploitation des forêts de l’Aigoual
Le groupement 18 est le premier à s’installer, dans des conditions précaires, dès la fin Août 1940 sur les forêts domaniales du flanc sud de l’Aigoual, Montals, Lingas, Ginestous.
« On s’organise comme on peut. Le plus souvent sous des tentes que l’on recouvre de branchages et parfois dans des huttes. Quand ils n’ont pas la chance de tomber sur de vieilles bicoques, les chefs couchent sous des marabouts.
Rapidement les choses vont mal tourner. Dès le 10 Septembre la pluie se met à tomber, une de ces pluies froide et tenace dont l’Aigoual a le secret. Pas de paille, pas de feu, pas de vêtements de rechange, le ravitaillement n’arrive pas… Pour couronner le tout une épidémie de rougeole se déclenche »
Décision est prise de ramener les camps dans le bas pays. Dans la vallée de Valleraugue et autour du Vigan : Mars, Salagosse, Ardaillès, Mandagout, Molières, Cavaillac, Avèze…L’été on remonte dans l’Aigoual abattre du bois… » «écrit Pierre Mazier ( L’Aigoual en colère)
Le groupement 19 dont le Quartier Général était à Meyrueis, rassemblait 1600 jeunes environ.
Tous les jeunes se trouvaient confrontés à la propagande de Vichy : retour à la terre, recherche des vraies valeurs de la France profonde, vénération du Maréchal. Trois aumôniers catholiques, Navarre, Beys et Durand et un protestant Georges Roth furent affectés au groupement 19.
Les groupes qui réunissaient chacun 130 ou 140 jeunes venaient de s’installer dans les vallées entre Jonte et Trévezel moins exposées que les hautes terres de l’Aigoual où avait été dirigé le groupement 18. Certains passèrent quand même l’hiver - cet hiver 1940-1941 fut particulièrement rude - sous la tente, en particulier à Valbelle, presque à la source de la Brèze, au dessus des Oubrets, à 1100m, et à l’hubac, donc sans soleil. On peut espérer que les moins aguerris furent hébergés, de temps à autre, à la Maison Forestière de Valbelle. C’était le groupement des disciplinaires où étaient rassemblés les fortes têtes.
Mais il y eut des groupes mieux lotis. Je raconterai brièvement l’histoire de celui de Rousses dans la vallée du Béthuzon.
De Rousses à la Pépinière :
« Il avait été affecté à ce hameau, déjà en mauvais état : il y avait bien là, quelques maisons inoccupées, mais bien à l’étroit, au bord du Béthuzon, pour y installer tout le groupe. Or le chef de groupe avait découvert, un peu plus haut à 2km un endroit beaucoup plus favorable. L’idée était judicieuse, elle fut acceptée par le commandement. Mais il fallait envisager la construction d’un pont. Quelques fortes têtes faisaient partie de ce groupe ; leur chef leur dit : « j’ai besoin de durs, de gens qui n’aient peur de rien. Il s’agit de faire un pont et d’aménager une route pour pouvoir faire passer des charrettes ou même des camionnettes. »
Ils réagirent avec enthousiasme. Et on se mit au travail : remise en état du chemin muletier de la rive gauche du Béthuzon à partir du petit pont de Rousse puis construction du pont juste avant le camp, 2km plus haut, où fut fixée une pancarte, le jour de l’inauguration « Le pont des durs ». Ainsi fut installé le groupe de « La Pépinière ».
Non contents de ce travail, ces jeunes construisirent pour leurs chefs une salle à manger à 2m du sol dans un énorme fayard (hêtre). On y grimpait par une échelle ! Et, sur la lancée, sensibilisés par leur chef de groupe, ils voulurent installer eux-mêmes leur électricité, dans les baraques qu’ils avaient construites, en utilisant l’eau du Béthuzon. Ils avaient découverts que, au Villaret me semble-t-il, les gens deux voisins en l’occurrence avaient fabriqué leur électricité. Ils céderaient volontiers un peu de matériel. Un des chefs du Chantier se débrouilla pour trouver une petite turbine : une roue Pelton de 50 ou 60 cm de diamètre, bien suffisante. La turbine tournait à toute allure en sifflant, et les baraques étaient illuminées ! Quelle merveille ! »
J’ai pu voir encore le bassin de charge et les restes du canal d’amenée d’eau en Octobre 2006)
La vie du chantier : le Groupement 19
Le ravitaillement était un problème important et un souci de tous les jours en raison des restrictions et de la dispersion des groupes. Les transports étaient assurés par des camions à gazogène car l’essence, très rare, était destinée aux médecins, y compris les médecins du pays, aux aumôniers et aux chefs de groupement ; « Heureusement, se rappelle Pierre Mazier, nous disposions de quelques bicyclettes et chevaux mais surtout, nous pouvions compter sur nos 120 mulets. »
Les journées commençaient avec le rassemblement, le lever aux couleurs et l’éducation physique : ensuite alternaient le travail forestier, à la hache et à la scie (les tronçonneuses ne verront le jour que 20 ans plus tard) pour faire des bûches servant à confectionner des meules, qui, carbonisées, donneront du charbon de bois surtout pour les camions ou voitures à gazogène.
Les jeunes entretenaient et aménageaient les baraques, les foyers, les cuisines, ils chantaient beaucoup, semble-t-il. Evidemment le sport tenait une grande place et les soirées étaient parfois égayées par des feux de camp.
C’était une vie presque idyllique d’après les souvenirs de quelques uns.
L’ordre moral
De l’amalgame entre la religion et le Vichysme naît une morale de confection où l’on retrouve les poncifs de la Révolution National : culte du Maréchal, expiation masochiste des fautes de la République, retour à la vivifiante nature, résurrection du corporatisme. Furent nommés 4 ou5 aumôniers protestants dans toute la région Et 20 à 30 aumôniers catholiques. Ces derniers sont partout. Ils jouent, à l’occasion le rôle d »’éminence grise auprès des commissaires. Certains, bien sûr sont de bon niveau : on dit la messe souvent et partout, en plein air comme dans les foyers. Jean Delage* donne parfaitement le ton de ces « messes chantier » : « Le drapeau salue, le clairon sonne, les garçons s’agenouillent : c’est l’élévation. » « Certes nul n’est tenu de suivre ces manifestations religieuses : mais il est difficile de les éviter. Mais cette atmosphère ne reste pas confinée dans les églises catholiques édifiées dans la majorité des groupements. Une odeur de sacristie insaisissable s’insinue dans les camps, dans les bureaux, les habitudes. Au dire de nombreux témoins elle est particulièrement pesante…** »
*Pierre Mazier : « L’espelido :Histoire des chantiers de jeunesse en Languedoc » Lacour 1989
Jean Delage : « Espoir de la France : Les chantiers de Jeunesse » Quillet 1942
Certains résistèrent à leur façon en organisant un bal du dimanche soir, dans l’ancien four banal, au Planet (place de Meyrueis un peu à l’écart, sous le Rocher du Château) Autour d’un vieux phono se retrouvaient garçons et filles du village et de la vallée du Béthuzon. (Tous les bals avaient été interdits après l’armistice.)
Mais quelques uns ne partagent pas les vues de l’aumônier général, ainsi :
« Georges Vidal, assistant élève à l’Ecole Régionale des Cadres, naïvement le lui dit … Presque aussitôt son stage est interrompu et il est renvoyé sans ménagement dans son camp perdu au dessus de Lodève : motif « ne peut faire un chef de groupe… » (P. Mazier Op.cité).
Pour le groupement 19 avaient été nommés trois aumôniers catholiques : Navarre, Beyx et Durand et une aumônier protestant Georges Roth. Ce dernier, alsacien, officier d’artillerie en 1939-1940. Il fut dénoncé par ses supérieurs pour avoir contesté le devoir d’obéissance au gouvernement de Vichy. Voici quelques termes de cette dénonciation datée du 18 janvier 1943, adressée au Pasteur Marc Boegner, Président de la Fédération Protestante de France, un double parvint probablement au Général De la Porte du Theil. (la voie hiérarchique !) :
…..5° En 1914-1918, Monsieur Roth ne s’est pas battu seulement pour la France mais surtout ^pour l’expression des idées libérales qui alors, marquaient la politique de son gouvernement. Fait rapporté par le chef de groupe Daran
(il faut noter que ce chef de groupe aime recevoir à son groupe Monsieur Roth, parce qu’il apprécie sa conversation, mais il en reconnaît le danger.)
6° Le chef de groupe Carrignon, chef du groupe 2 ne quitte pas un instant Monsieur Roth quand celui ci vient dans son groupe. Il se rend compte en effet, qu’il est dangereux de laisser le Pasteur seul avec ses chefs d’atelier.
Monsieur Roth dit en outre, à qui veut l’entendre que le gouvernement n’étant pas légitime, le serment que nous avons fait est sans valeur.
… dans ses dernières directives BPO 117 page 5, le Général Commissaire Général s’exprime ainsi : « …un chef des chantiers n’est pas un citoyen libre comme tout autre. C’est un fonctionnaire responsable, de l’éducation des jeunes. Il n’a pas le droit, en conscience de professer une opinion contraire aux directives du gouvernement. »
J’estime donc que Monsieur le Pasteur Roth est un homme dangereux et je souhaite le voir partir.
Je vous prie…
Ainsi Georges ROTH ne tint pas le langage convenu.
Il avait retrouvé, parmi ces 1600 jeunes, quelques alsaciens - lorrains qui avaient été démobilisés, ou se trouvaient à « l’intérieur » au moment de l’armistice et qui ne rentrèrent pas en Alsace Moselle redevenue Allemandes.
Plusieurs jeunes dont ces Alsaciens demandèrent à Georges Roth, leur aumônier, d’aménager un local dont ils pourraient disposer. Un décor d’Alsace fut reconstitué avec alsacienne et alsacien en costume traditionnel, les grandes dates de l’histoire de l’Alsace, mais aussi un passage biblique explicite :
« En ce jour là, dit l’Eternel des Armées je briserai ton joug sur ton cou
Georges Roth n’hésitait pas à tenir en public et mêle dans des repas officiels des propos jugés subversifs et la dénonciation que vous venez de lire, fut probablement envoyée également au Général de la Porte du Theil. … Il semble que l’affaire remonta jusqu’à Pétain qui l’aurait stoppée. .. Peut-être.
Toujours est-il que la police allemande débarqua un beau matin à Meyrueis, pour interroger et probablement arrêter G. Roth. Dans un premier interrogatoire l’officier apprit que Roth avait fait ses études de théologie protestante en partie à Montpellier puis à Strasbourg, comme lui-même, il lui aurait désigné la fenêtre en lui disant de s’enfuir.
Georges Roth ne se le fit pas dire deux fois ; il gagna le maquis. Mais pas celui de Bir Hakeim, qui sera anéanti à la Parade sur le Causse Méjean : il avait déjà eu des contacts avec ses chefs mais avait renoncé à les rejoindre, vu leur amateurisme et leur manque de rigueur et de prudence. Il leur en avait fait la remarque en tant qu’officier mais n’avait pas été écouté. Il rejoignit un des maquis de l’Aigoual, qui disposait d’une meilleure infrastructure avec des groupes disciplinés et entraînés, probablement vers l’Espérou.
L’éclatement et la fin des Chantiers
Début 1943 L’horizon s’assombrit pour les Chantiers de Jeunesse. Après avoir envahi la zone Sud en Novembre 1942, Les Allemands exigent le départ, vers l’intérieur, des chantiers qui sont implantés dans les départements côtiers. Le Gard en fait partie et le groupement 18 émigre à Maurs simple chef-lieu de canton de la pointe sud-ouest du Cantal.
Pour la vie des chantiers l’horizon s’assombrit. Avec le débarquement allié en Afrique du Nord en Novembre 1942 et la capitulation de l’armée allemande à Stalingrad le 2 février 1943, les autorités d’occupation demandent puis exigent le départ des groupements pour le Service du Travail Obligatoire
Beaucoup sont obligés de partir, parfois entraînés par leurs chefs, drapeau et musique en tête pour travailler dans les usines d’armement allemandes : mais ce ne fut pas le cas à Meyrueis.
Marceline Causse de Pradines, rapporte cette anecdote dans ses souvenirs 1942-1944 :
«Frank Robert, pasteur à Meyrueis, voit à la poste 150 jeunes téléphonant à leurs familles qu’ils partent au STO en Allemagne et les encourage à ne pas y aller. Il apprend plus tard que ces 150 sont arrivés seulement 13 à Grenoble. Le train traversant la plaine languedocienne, s’arrêtait : s’évadait qui voulait… »
Alors que le groupement 18 avait été dissous en Décembre 1943 le groupement 19 continuera à vivoter. Il semble avoir été oublié. Il sera dissous officiellement le 15 Juin 1944, bien longtemps après les autres groupements. Le combat et le massacre de la Parade avaient eu lieu le 30 Mai et le débarquement le 6 Juin …
Postface
Après avoir rédigé ce très bref résumé de la vie des Jeunes appelés du groupement 19 à Meyrueis, quelques documents m’ont été remis qui soulignent et complètent les lignes qui précèdent : Ainsi ce commentaire à la suite d’un rassemblement d’anciens en Août 1991 :
« 15 Août 1941 : il y a juste 50 ans nous descendions de la Pépinière à marche forcée. Grand messe dans la prairie de Roquedols, face au château. Défilé dans toutes les rues de Meyrueis avec tout le groupement 19. Rassemblement sur la Place d’Armes. Remise des fanions aux différents groupes. Repas au pré de l’Ayrette et retour au camp.
15 Août 1991 : Cinquante ans après, retour aux sources de notre jeunesse. Grand messe à l’Eglise de Meyrueis et le soir, procession aux flambeaux de Notre Dame du Rocher à l’Eglise de Meyrueis. » Jacques Catoir 59130 Lambersart
Paul Loupiac, Le Moulin d’Ayres
Dernière édition par Admin le Mer 23 Déc - 20:22, édité 1 fois
Re: LE GROUPEMENT N° 19 "Dixmude"
Magnifique la dernière photo
Le Corsaire- Messages : 35
Date d'inscription : 26/10/2015
Age : 27
Re: LE GROUPEMENT N° 19 "Dixmude"
Elle était pas en vente sur web à un moment par hasard ?
Le Corsaire- Messages : 35
Date d'inscription : 26/10/2015
Age : 27
Re: LE GROUPEMENT N° 19 "Dixmude"
BONJOUR , la photo que tu as mis est extraodinaire !!! , le gars en haut à gauche , c'est le gars en portrait déjà mis en haut de la page .... incroyable non ??? ...
Re: LE GROUPEMENT N° 19 "Dixmude"
A oui c'est bien vrais :O !!
Le Corsaire- Messages : 35
Date d'inscription : 26/10/2015
Age : 27
Les Chantiers de La Jeunesse Française de 1940 à 1944 :: HISTORIQUE :: GROUPEMENTS de la METROPOLE :: GR19
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum